J'ai vu là-bas, à Majorque, passer sur la Rambla des camions chargés d'hommes. Ils roulaient avec un bruit de tonnerre, au ras des terrasses multicolores, lavées de frais, toutes ruisselantes, avec leur gai murmure de fête foraine. Les camions étaient gris de la poussière des routes, gris aussi les hommes assis quatre par quatre, les casquettes grises posées de travers et leurs mains allongées sur les pantalons de coutil, bien sagement.
On les raflait chaque soir dans les hameaux perdus, à l'heure où ils reviennent des champs ; ils partaient pour le dernier voyage, la chemise collée aux épaules par la sueur, les bras encore pleins du travail de la journée, laissant la soupe servie sur la table et une femme qui arrive trop tard au seuil du jardin, tout essouflée, avec le petit baluchon serré dans la serviette neuve : A Dios ! recuerdos !
[Tirer contre son camp, clic-clic, et dire son fait à une société qui, lorsque ses affaires vont mal, n'a jamais réellement connu d'autre expédient que d'exterminer les pauvres : Georges Bernanos est mort le 5 juillet 1948. Depuis, comme il le disait, il attend la résurrection.]
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