vendredi 10 juin 2011

Un profond silence (des journées entières dans les livres #61)

Mais une fois que j’ai eu prononcé, pour ainsi dire en guise de remerciement pour le prix, quelques phrases que j’avais jetées sur une feuille de papier en toute hâte et avec la plus grande répugnance, juste avant la cérémonie, une petite digression philosophique, pour ainsi dire, où je me bornais à rappeler que l’homme est misérable et que la mort lui est assurée – l’un dans l’autre, je n’avais pas parlé plus de trois minutes –, le ministre, qui n’avait absolument pas compris ce que j’avais dit, a bondi de son siège, indigné, en me brandissant son poing sous le nez. Écumant de rage, il m’a encore traité de saligaud devant toute l’assistance et il a quitté la salle non sans avoir claqué derrière lui la porte vitrée avec une telle violence qu’elle s’est brisée en mille éclats. Dans la salle, tout le monde avait bondi sur ses pieds, et avait suivi des yeux avec stupéfaction la sortie du ministre. Pendant un instant avait régné, comme on dit, un profond silence.

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