jeudi 6 janvier 2011

Des journées entières dans les livres #33

Je vivais alors au 17 montée de la Grande Côte, entre la rue René Leynaud et la rue des Tables Claudiennes, tout contre le modeste Jardin des Plantes lyonnais. C'était mon troisième logement en deux mois. Les immeubles étaient vétustes, le quartier passait pour mal famé, et on pouvait encore trouver là des appartements agréables à des loyers bon marché. J'occupais un trois pièces au troisième et dernier étage d'un immeuble bourré d'Italiens. Tout le bas de la rue était peuplé d'Italiens, le milieu de Noirs et le haut de Nord-Africains. Les frontières étaient assez strictes, sauf le samedi soir où les Nord-Africains dévalaient la côte au grand galop en brandissant des couteaux, des gourdins ou même des haches. Le samedi soir également, des jeunes gens venus des banlieues lointaines, après s'être faussé le jugement à force de boissons alcoolisées et de conversations vociférantes dans les cafés de la place des Terreaux, remontaient parfois vers la Croix-Rousse et assommaient le promeneur attardé. Il fallait être prudent.

14 commentaires:

  1. Je le considère comme un très bon romancier. Pas un grand écrivain, mais un sacré raconteur d'histoires : de bonnes intrigues très bien ficelées, bien noires, toujours sur fond de désespoir incomplet.
    Enfin, pour ceux que j'ai lus : celui-ci, L'Enfer (très proche) et l'insoutenable La machine.
    Bizarrement, on ne le classe pas parmi les auteurs de polars. Mais plus bizarre encore, nul parmi ceux ou celles à qui je l'ai conseillé ne m'en a plus jamais reparlé…

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  2. Il y a eu aussi Le revenant, son premier noir, et qui l'a lancé dans le grand-public. Pour ce qui est du classement, il est me semble-t-il très clairement à la marge du genre, un peu toutes choses égales à la manière d'un Echenoz, plutôt un littérateur faisant avec talent des incursions dans le genre et repartant ailleurs (poésie, aphorismes, littératures plus ou moins expérimentales). En plus, je n'y connais pas grand chose, en dehors des "écuries" du genre, auteur P.O.L depuis des lustres.
    Et par ailleurs, une écriture qui met assez mal à l'aise l'amateur de noir, trop d'attention prêtée aux détails, à la musique, aux lieux, etc. - trop de travail à l'évidence sur le texte, qu'on ne comprend pas forcément, mais que l'on sent à l'oeuvre. Pas lu depuis assez longtems d'ailleurs - il avait peu publié ces dernières années : un gros pavé sorti en 2010, Hors la loi, dans ma pile.

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  3. Que M. Jo me pardonne cette intrusion, mais je profite de la présence de Georges Weaver dans ces parages pour lui présenter mes vœux, et pour lui dire que je lui rendrai prochainement visite.

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  4. Vous m'en verrez ravi, cher Patrick. Permettez-moi à mon tour de vous souhaiter, à vous et à Joël, la meilleure année possible dans ce pire des mondes.

    À la marge du genre : vous avez parfaitement raison, Joël. Mais pour le reste, vous oubliez que "l'amateur de noir" n'est pas forcément confiné dans ce seul genre : il peut fort bien apprécier tout autant — sinon plus — la littérature "blanche", la poésie, les essais, et notamment le travail sur le texte.
    Je pense que ces étiquettes (du moins, pour certains auteurs) tiennent essentiellement aux collections où ils sont publiés. Manchette aurait très bien pu être publié chez Minuit, et ces Belletto du début ou le Echenoz de Cherokee et L'équipée malaise en Série Noire. Le premier Paul Auster publié en France le fut en Série Noire, sous le pseudonyme de Paul Benjamin, et Léviathan aurait fait bonne figure dans cette collection…

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  5. Ma foi, Georges, j'ai (encore) dû m'exprimer comme un sagouin - je suis de fait parfaitement d'accord avec vos remarques ci-dessus, n'attache pour tout dire que peu d'intérêt au tracé exact des frontières, etc. Tellement d'accord d'ailleurs que je disais, comme vous, que la place un peu à part de tel ou tel (ici Belletto) tenait pour beaucoup à son éditeur (P.O.L.).
    Quant à ma référence maladroite à un improbable amateur de noir, elle ne faisait, de fait, qu'introduire quelques rapides considérations sur le contenu de l'oeuvre et sur ce qui peut l'éloigner d'un hypothétique roman noir moyen.

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  6. Hé hé… il semble évident que nous sommes d'accord ! Nous n'aimons pas le "roman noir moyen", pas plus que n'importe quel "roman moyen".
    Pour tout dire, la condition humaine ne nous plaît pas.
    Mais tous les auteurs qui hissent la "littérature de genre" à des sommets (Gaston Leroux, Amila, Francis Ryck, Siniac, Manchette, Westlake, etc.) et tous les "écrivains" qui fricotent avec ce genre (Dostoïevski, Hemingway, Belletto, Echenoz, Leroy & C°), portons-leur un toast mahousse, voulez-vous ?

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  7. Au fait, me revient tout à trac le souvenir de ce bouquin-là, pas si loin de Belletto, très drôle et très cruel. J'y avais fait allusion, j'avais plein d'autres pages marquées à retranscrire, et puis bon, pas le temps.
    Il n'a hélas plus produit ensuite que de la merde zébrée d'éclairs, pour parler poliment.

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  8. Mahousse !
    Merci par ailleurs de rappeler Francis Ryck. Et je laisse nos aimables lecteurs deviner ceux que vous citez et qu'il me reste à lire (la liste ferait honte à n'importe qui de sensé).

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  9. Je me suis tapé les mêmes Belletto que m'sieur George, plus un recueil de nouvelles, je crois. J'ai oublié les nouvelles, ainsi que L'Enfer ; je me souviens que La Machine m'avait fort secoué. Je me souviens surtout que Sur la terre comme au ciel, lu pendant mon adolescence, m'avait beaucoup plu. L'adaptation tournée par Deville à la même époque, il y a presque trente ans, m'avait beaucoup plu aussi (Garcia + Piccoli). Décalée, mais intéressante. Je vous souhaite la bonne journée.

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  10. Oui, c'était Péril en la demeure.
    De L'enfer, 25 ans après, me reste encore l'évocation assez saisissante d'un type seul, au bord du suicide, un été dans une ville déserte.
    Pour vous aussi, le toast mahousse.

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  11. Très belle affiche, Péril en la demeure : Christophe Malavoy chevauchant Nicole Garcia sur un fauteuil, sur des placards 6x3 dans toutes les stations de métro à la sortie du film. De quoi donner quelques suées émues aux post-ados que nous étions à l'époque…

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  12. L'Enfer : cette ville déserte est la vôtre, Joël, n'est-ce pas ? Mais les pentes de la Croix-Rousse ont bien changé depuis…
    Et le type n'est pas au bord du suicide : il me semble bien qu'il se fout vraiment en l'air, et doublement pour plus de sûreté (pilules+gaz) — ce qui fait que ça foire.

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  13. C'est bien Lyon, et oui les pentes ont bien changé - même si pas encore totalement gentryfiées. Georges, pour le suicide et vérification faite, vous avez raison - quelle mémoire ou peut-être est-ce moi qui, au contraire. Allez tout ça m'a mis d'humeur, on va faire un billet L'enfer.

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