dimanche 23 janvier 2011

Un sport de combat (des journées entières dans les livres #38)

Toutes les bienséances désignent d'avance le projet de définir cet indéfinissable [le goût] comme une manifestation évidente de philistinisme : la bienséance universitaire qui [...] impose une lecture formaliste de l'œuvre d'art aussi bien que la bienséance mondaine qui, faisant du goût un des indices les plus sûrs de la vraie noblesse, ne peut concevoir qu'on le rapporte à autre chose qu'à lui même.

[Pierre Bourdieu clic-clic est mort le 23 janvier 2002. Chez lui, on a pour ainsi dire appris à lire, et on n'en démordra pas.]

4 commentaires:

  1. Cher M. Jo, certes, vous me trouverez mal placé pour élever une protestation contre un penseur aussi considérable ! La déconstruction possède tous les atours du concept très sérieux ; non seulement je ne le conteste point, mais je n'en ai ni la qualification, ni les simples moyens structurels. Il n'en reste pas moins que je trouve vain d'écrire « […] la bienséance mondaine qui, faisant du goût un des indices les plus sûrs de la vraie noblesse, ne peut concevoir qu'on le rapporte à autre chose qu'à lui même. ». J'entends dans ces propos une aigreur de fat. Un certain poujadisme voit la mondain dans l'homme simplement poli, et assimile tout esprit de curiosité à la mondanité. Représentation fantasmagorique de ce qui fonde, en partie, l'Europe, depuis les cours d'amour jusqu'aux salons littéraires. En outre, le propos manque singulièrement de clarté, sans doute à force de s'appuyer sur des généralités cafardes.

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  2. Cafard, le sociologue l'est en quelque sorte par définition - et sa référence philistine devance un peu certaines de vos réserves.
    Toutefois Patrick, il me semble que vous sur-interprétez un peu ces quelques lignes : ce que vise Bourdieu dans la bienséance mondaine, c'est bien avant tout la bienséance, si l'on entend dans ce mot l'occupation solide d'une position, d'un pouvoir. Le mondain, ma foi, n'est pas pour lui une catégorie "morale" condamnable (ou non) mais une des formes de rapport au fameux "capital culturel", assez classiquement (au sens de l'âge classique)opposé ici au docte - sans que l'un soit de quelque manière jugé supérieur.

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  3. Mais enfin, le même mot « goût » est ici employé dans le sens de norme d'interprétation, dans l'université, et dans le sens de « bon goût » (tout au moins le suppose-t-on !), pour ce qui est de la prétendue « mondanité ». Et d'ailleurs, qu'est-ce donc, selon M. Bourdieu, que la mondanité ? Et où voit-il que, d'un siècle à l'autre, les codes sociaux, les références en matière de comportements, n'ont pas été bouleversés ? Et que penser de cette phrase : « Toutes les bienséances désignent d'avance le projet de définir cet indéfinissable [le goût] comme une manifestation évidente de philistinisme. » Croyez-vous, M. Jo, qu'un philistin, ou une assemblée de philistins aient pour projet de se signaler comme tels ? Croyez-vous encore que « la bienséance » (de quoi s'agit-il ?) désigne quoi que ce soit « d'avance » ? D'où peut-on conclure qu'une bienséance comporte le projet de définir l'indéfinissable ?

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  4. La manifestation évidente de philistinisme vise - auto-ironie - le projet de Bourdieu lui-même, interroger - quant au goût, aux pratiques culturelles, etc. - tant les évidences universitaires que les évidences sociales, branchées, etc.

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