Olivia Rorschash est dans sa chambre. C’est une toute petite femme, un peu boulotte, aux cheveux frisés ; elle porte un tailleur de lin blanc, strict, impeccablement coupé, un chemisier de soie grège agrémenté d’une large cravate. Elle est assise près de son lit à côté des quelques affaires qu’elle va emporter avec elle — un sac à main, un nécessaire de toilette, un manteau léger, un béret orné de l’ancienne médaille de l’Ordre de Saint-Michel, représentant l’Archange en train de terrasser le Dragon, Time Magazine, le Film français, What’s On in London — et elle relit la série d’instructions qu’elle laisse à Jane Sutton :
— faire faire une livraison de coca-cola
— changer tous les deux jours l’eau des fleurs, y ajouter chaque fois un demi-cachet d’aspirine, les jeter quand elles seront fanées
— faire nettoyer le grand lustre de cristal (appeler la maison Salmon)
— rapporter à la bibliothèque municipale les livres qui auraient dû être rendus depuis déjà quinze jours et en particulier Les lettres d’amour de Clara Schumann, De l’angoisse à l’extase, de Pierre Janet, et Le Pont sur la rivière Kwaï, de Pierre Boulle
— acheter de l’Édam étuvé pour Polonius et ne pas oublier de l’amener une fois par semaine chez Monsieur Lefèvre pour sa leçon de dominos.
[Jean-Bertrand Lefèvre-Pontalis, le 15 janvier 2013. Harry Nilsson, sinon, Fruttero, Cziffra, Doris Fisher, Yves Tanguy et Sammy Cahn. Des filles assassinées aussi, clic-clic, et la révolution, time after time.]
Une merveille ! Meilleurs voeux à vous
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