Shoot them for what? They never called me nigger, they never lynched me, they didn't put no dogs on me, they didn't rob me of my nationality, rape and kill my mother and father... Shoot them for what? How can I shoot them poor people? Just take me to jail. [La photo est de George Silk. Mohamed Ali refuse son incorporation dans l'armée américaine le 28 avril 1967 : les 5 ans de prison et la perte de ses titres, ce sera pour le 20 juin. L'année dernière clic-clic, Francis Bacon, mort le 28 avril 1992.]
Quand le vieil Abe rentra à la maison, les gosses étaient assis à table en train d'hurler et de manger et il leur dit de se taire, il avait l'intention de dormir et il alla dans la chambre, en titubant légèrement, les yeux rouges et à peine ouverts. Il enleva ses vêtements soigneusement et les suspendit, mit un filet sur ses cheveux et se coucha. Nancy entra et s'allongea près de lui en lui chatouillant le trou du cul. Il la repoussa, se ficha de sa tête et il lui dit de foutre le camp et de le laisser tranquille. Elle lui dit qu'il n'en était pas question, qu'elle voulait sa petite ration de cul et il lui balança une gifle en travers de la figure en lui disant d'aller se chercher une banane et elle le traita de putain de salaud de bon à rien et il lui mit un coup de poing sur sa sale gueule, la faisant tomber du lit et lui disant d'aller foutre son cul ailleurs ou bien j'te pèle la gueule et il la traîna hors de la pièce. Elle se traina jusqu'à la cuisine, puis elle se redressa en s'appuyant au bord de l'évier, et continua à le traiter de putain de salaud, puis elle se passa la tête sous le robinet d'eau froide. Sa fille s'approcha pour l'aider et Nancy continuait à crier puis le sentiment de frustration la fit se mettre à pleurer et sa fille lui dit de ne pas pleurer, Jésus nous aime, maman. Nancy lui répondit de lui foutre la paix. Abraham dormait. [Hubert Selby Jr est mort le 26 avril 2004. La photo est de James Fee.]
[Emissores Associados de Lisboa, le 24 avril 1974 à 22 h 55 : «Faltam cinco minutos para as 23 horas. O Paulo de Carvalho com o Eurofestival 74 : E Depois do adeus». C'était le signal, et c'est parti : le lendemain, l'Estado Novo avait disparu - et disparaîtront ensuite, très vite, les autres dictatures de ce côté-ci de la Méditerranée. Le lendemain aussi on avisera, et on trouvera un hymne un peu moins, comment dire, enfin un peu plus historique. Sinon, vous ai-je déjà dit que j'aimais Christiane Rochefort, morte le 24 avril 1998 ? Oui, je vous l'ai dit clic-clic.]
Johnny Thunders, † le 23 avril 1991. [Mona et moi, Grandperret, 1989. Sinon d'autres beaux souvernirs : Nadaclic-clicet toujours Jil Caplan clic-clac.]
On l'apprend avec calme, on ne s'étonne pas bruyamment. Du sapin suffira, un drap blanc, pas de dépenses, nous n'avons plus rien. Premièrement escamoter l'arme ; et deuxièmement la toilette ; mon vieux costume bleu marine à rayures conviendra et cravate autour du cou bien serrée. Enfin on étouffe l'affaire, surtout auprès des jeunes générations, dans un cimetière de campagne, en pays natal, loin. La grande photographie de la princesse accroché au-dessus de mon lit vous revient de droit.
[L'an dernier, Gustave Moreau clic-clic, Loïc Lantoine et son bistrot clic-clac.]
Jeffrey Ross Hyman, Joey Ramone, † le 15 avril 2001. La photo est de Roberta Bayley.
[Le 15 avril 2010, Jive to the beat - du grand Arno clic-clic, et ça ne tenait à presque rien : le jour de l'ouverture clic-clac. On en avait pour son argent, rien à dire, what a wonderful worldclic-clic.]
On apprend ce jour la mort de Jean-Claude Darnal, celui-là même qui a fait la gloire de Raoul de Godewarsvelde en quelques vers clic-clic - Raoul de, qui ne passera pas la nuit du 13 avril 77.
Lors le nez dégrisé Je quitte l’estaminet Et je regarde en rêvant Le rident. De l’autre côté de la mer Les collines d’Angleterre Montrent que le monde par ici Est tout petit.
Quand nous sommes sortis lui et moi en cette fameuse fin de matinée de juillet, lui voulait aller à droite, moi à gauche bien entendu. N’étant du tout d’un caractère décidé et dominateur mais plutôt, par certains côtés, assez irrésolu pour ne pas dire velléitaire et très bonne pâte qui plus est, nous voilà tous deux partis sur notre droite évidemment. Mal nous en prit cependant d’avoir suivi cette pente ; à peine parcourue la centaine de mètres nous séparant du premier coin de rue (celui où, il y a peu, le bar de L’Avenir maintenant disparu faisait angle) qu’une crevasse d’une profondeur d’enfer creusée à même l’asphalte déjà brûlant de soleil nous fit face. Certes ce sont là choses qui surviennent fréquemment dans nos villes d’entre-deux-guerres et sans crier gare, il n’en restait pas moins que nous nous retrouvions tous deux Gros-Jean comme devant et assez déconfits ; très perplexes aussi quant à l’attitude à adopter à l’égard de ce soudain problème. Poursuivre coûte que coûte et nous enfoncer au cœur de cette crevasse dans l’espoir insensé d’atteindre un jour le trottoir d’en face, au risque d’user dans cette affaire beaucoup de nos jeunes énergies ou bien, tel que je le préconisai d’entrée, renoncer, revenir sur nos pas et sagement reprendre l’idée qui était mienne au départ ? C’était hélas méconnaître la diabolique obstination de mon compagnon, ne pas compter avec sa fierté de petit mâle écorché toujours s’entêtant dans ses mauvaises raisons. D’arguties en vaines suppliques rien n’y fit et je le vis à mon grand dam disparaître au profond du gouffre avec la belle assurance de ceux que n’effraieront jamais les soucis du quotidien ni la crainte des lendemains. À Dieu vat ! pensai-je en rebroussant chemin, faisant contre mauvaise fortune bon cœur. Dire les années passées depuis cette matinée de juillet dont je conserve cependant le souvenir fidèle dans un coin de ma mémoire, comme on conserve sans trop savoir pourquoi un bibelot ancien chiné jadis à la brocante, serait avouer un âge devenu inavouable. Aussi quelle ne fut pas ma surprise que de retrouver ce soir mon vieil ami à la faveur d’un de ces curieux hasards de comptoir ! Le cheveu maintenant poudré à frimas et la main légèrement tremblotante pour lever le verre, mais toujours bon pied bon œil comme je lui en fis compliment. « Les années passent, me dit-il en faisant signe au garçon pour une tournée, il est urgent, vois-tu, de prendre son temps » et sur ce il m’explique gravement qu’il vient à peine de sortir de son trou, ayant enfin atteint, deux jours de cela seulement, le trottoir d’en face. Force me fut de lui confesser que, tout ce temps durant, je n’avais moi-même fait guère plus de trois fois le tour complet du quartier.
[Un peu plus clic-clic. Ici, l'année dernière, ma foi, c'était déjà clic-clac Pierre Autin-Grenier.]
Jacques Prévert est quelqu’un dont on apprend des poèmes à l’école. Il en ressort qu’il aimait les fleurs, les oiseaux, les quartiers du vieux Paris, etc. L’amour lui paraissait s’épanouir dans une ambiance de liberté ; plus généralement, il était plutôt pour la liberté. Il portait une casquette et fumait des Gauloises ; on le confond parfois avec Jean Gabin ; d’ailleurs c’est lui qui a écrit le scénario de Quai des brumes, des Portes de la nuit, etc. Il a aussi écrit le scénario des Enfants du paradis, considéré comme son chef d’œuvre. Tout cela fait beaucoup de bonnes raisons pour détester Jacques Prévert ; surtout si on lit les scénarios jamais tournés qu’Antonin Artaud écrivait à la même époque.
Je comprend mal l'émotion intense qui m'étreint, à un moment donné, à la pensée qu'en ce même instant je pourrais être sur une route ensoleillée des Charentes, ou sur les falaises lumineuses et brumeuses qui dominent Rouen, ou dans la voiture de Claude entre Brive et Limoges, ou dînant à Poitiers, ou arrivant à Bayonne. L'image se rattache toujours à du déjà vu, du déjà ressenti; tout y concourt à créer l'hallucination : les parfums, les couleurs, l'écho à peine éteint des paroles qui auraient pu être échangées, le temps qu'il fait et l'heure qu'il est. Il me semble alors que là, et pas ailleurs, devrait être ma place dans le monde et ce sentiment, voisin de celui d'avoir gâché ma vie, est plein d'une délectable nostalgie.
[L'année dernière clic-clic, on saluait Bernard Frank.]
Rien ne peut être fait sans la solitude. Je me suis créé une solitude que personne ne soupçonne. Il est très difficile aujourd’hui d’être seul, car nous avons des montres. Avez-vous vu un saint avec une montre ? J’ai pourtant cherché partout pour en trouver un, même chez les saints qui passent pour les patrons des horlogers.
[Picasso est mort le 8 avril 1973. La photo est d'Edward Quinn.]
Mais attendez. Avant qu'on me passe cet horrible sac sur la tête, j'ai le droit de dire quelque chose. Qu'est-ce que je vais raconter ? Il y a quelque chose de terriblement banal dans les dernières paroles des criminels endurcis sur le gibet. Je dirai simplement : "Auf Wiedersehen, cochons d'enculés !".
[Sinon, il y avait beaucoup à voir et à écouter pour l'anniversaire d'Allen Ginsberg clic-clac : bonus 2011, toute une série de photos parisiennes, rue Git-le-Coeur et environs clac-clic.]
[Ongardera pour plus tard Ducasse, par Pierre Brasseur s'il vous plait, d'autant plus que l'an dernier, jour de Pâques, c'était quand même chargé - Nick Toshes, Patti Smith et Rimbaud clic-clic n'en jetez plus.]
Fantomas, par Desnos et Kurt Weill - Weill, † le 3 avril 1950. En cherchant un peu, on trouve clic-clic une version Léo Ferré à l'orgue de barbarie - Ferré des heures pâles de cette nuit de la Saint-Richard clic-clic. Et dans le gros dictionnaire de l'année dernière clic-clac, il y a encore Fantomas - par Quadruppani, celui-là oui des Contrées magnifiquesclic-clic, d'accord tout se tient.
Le paysan qui, à Roccapalumba, monte dans le train d'Agrigente demande à trois reprises et à trois personnes différentes si le train va bien à Agrigente : trois fois de suite, la même réponse : "Probablement..." La troisième fois, la réponse est fournie carrément par un contrôleur : tant et si bien que le paysan se résigne à rester dans le doute. Personne n'est certain que le train va à Agrigente : on le présume, c'est ce qui était marqué, et c'est ce que supposent les voyageurs et ceux qui conduisent la locomotive; mais il se pourrait bien qu'il aboutisse à Trapani, à Messine ou en enfer.